Il nous faut nous interroger sur des questions primordiales. Au départ, nous venons consommer de la connaissance, souvent après des crises ou des changements de vie ou pour régler un mal-être de fond. Notre malaise est alors le levier pour nous faire réfléchir sur nous-mêmes. Ce malaise vient de notre besoin de transcendance.
L’ego est un nœud à dénouer petit à petit avec patience et persévérance, avec toute la douceur que l’on donnerait à l’éducation d’un enfant. Une notion d’effort soutenu est à observer afin que cet effort devienne une facilité. Car les efforts soutenus conduisent à être sans effort afin que ce qui a été atteint par l’effort constant est finalement transcendé. Alors vient la spontanéité et le plaisir. Une force directionnelle dans la recherche d’essentiel aidera à passer les obstacles. L’ego cherche toujours la sécurité. Incontestablement, la prise de risque, c’est la vie.
Le sens de l’ego est notre fonctionnement habituel, c’est le « je », le « moi » dans lequel nous construisons nos nœuds. Il n’est pas question d’anéantir l’ego car il n’existe que si nous y croyons. Nous nous identifions à lui bien qu’il n’existe pas. Le leurre fonctionne bien. Cette perception est vécue en rejet ou en possession, attraction ou répulsion, « j’aime » ou « je n’aime pas ». Il ne veut que ce qui lui est agréable et évite les efforts. Il est en lutte en permanence bien qu’il n’ait pas d’existence autonome. C’est un processus de maintien de l’individualisme. C’est la dualité. Par ignorance de sa nature, nous en faisons un ennemi. Cette attitude le fortifie et lui donne une véracité. Nous devons en faire un ami. Pouvons-nous terrasser notre ombre ?
L’ego ne s’améliore pas et ne change pas. Notre mental nous donne l’illusion d’une continuité où il est facile de se laisser prendre par les agitations et la confusion. L’illusion est la force de l’ego car, bien que n’ayant aucune structure claire, il nous leurre en nous faisant croire à ses propres justifications et revendications qui nous affectent. Il utilise la force et/ou la volonté pour arriver à ses fins. C’est lui qui trouble le chemin et la vision, car il se voudrait absolu et parfait. C’est un intrus, un Juge, un conservateur et un observateur. Il prend racine dans nos désirs et nos peurs animales. Il maintient les fantômes du passé, dans nos peurs et dans des fantasmes compensatoires. Prison bien gardée par la croyance en la liberté, et cet usurpateur nous illusionne facilement car la société « gadget » le cautionne.
La question de l’illusion de l’ego est primordiale car il obstrue l’ouverture à des niveaux de conscience supérieurs. Les états d’âme sont comme des nuages dans le ciel. Ils se forment, grossissent, se gonflent, s’épaississent, se percent et disparaissent. Quelle est leur réalité ? Le ciel est toujours bleu au-dessus et le soleil continue de briller malgré les nuages… Mais qui sommes-nous ? Nous connaissons-nous vraiment ?
L’ego n’a pas de consistance réelle, nous n’observons en fait que des manifestations. Nous pourrions lâcher l’idée de conserver le passé et toute notion d’ego disparaîtrait. Car dans le présent, le passé est mort. La dualité nous tiraille entre une image intérieure cachée et une image extérieure de représentation-paraître. Nous sommes en dualité, ne sachant pas comment résoudre ce problème. Nous n’acceptons pas d’être tiraillé, et c’est bien normal ! Cette existence est duelle. Il est important d’apprendre à couper avec le passé, source de souffrances, de repliement sur soi, de fermeture, et de protections. Être dans la Présence modifie notre relation au temps et donc à la notion d’ego. Nous avons à notre disposition un nouveau logiciel, un espace de connaissances. Consommer de l’information emplit les têtes de sujets dont nous n’avons que faire. L’essentiel est de trier l’information utile.
Se voir dans le miroir
Par l’analogie suivante nous allons constater le développement du sens de l’ego. La seule manière de se voir est face à un miroir qui nous renvoie une image, un reflet. Il reproduit, imite, en se focalisant sur les détails. L’ego n’existe pas mais identifié …
Imaginez-le maintenant dans une scène en face à face avec un psyché, ce grand et magnifique miroir en bois, présent dans la famille depuis plusieurs générations. Il se regarde, toujours avec ce même regard et la même volonté de s’assurer que son image est suffisamment correcte voire parfaite. Dans ce calcul, il espère gérer et contrôler au mieux tous les détails, à l’aide d’artifices de son image, son corps, ses émotions, les non-dits, tout ce qu’il ne veut pas monter. Il entretient avec lui une relation intime. Il lui renvoie les diverses facettes de son visage et sa personnalité.
Il se cache dans la pénombre ainsi dans ce jeu d’obscurité ou de lumière. Ce psyché va lui renvoyer réfléchir une image. Il jette furtivement un coup d’œil il est étonné de ne pas se reconnaître de suite. C’est surprenant : « ah oui, c’est moi que je vois dans le miroir ». Il comptabilise ses possessions en montrant du doigt son nombril, le centre du monde, son égocentrisme ne lui fait pas peur.
C’est moi, c’est ma forme, c’est mon corps, c’est mon look, au fond, c’est chez moi, tout ça m’appartient, c’est mon territoire ». Il a un nom, une identité, auxquelles il s’identifie. Il revendique à qui/quoi il ressemble ou à qui/quoi il ne veut pas ressembler. Il est attaché à cette image bien qu’elle ne soit qu’un reflet dans un miroir. L’illusion le fascine.
Tout son passé remonte les peurs et les désirs. Le désir de conquérir et la peur de perdre, un affrontement en dualité fait rage. Cet amalgame est si bien ficelé, rangé proprement dans des tiroirs (avec un parfum de lavande, de chocolat ou d’épices d’orient) qu’il y croit, et le maintien dans le même cadre de fonctionnement avec les mêmes références. Et là, dans cet instant, face au miroir, il se pose la question « mais qui suis-je, figée dans ce cadre ? ». En s’observant, il constate amèrement qu’il ne se connaît pas, tout au moins il ne se reconnaît pas.
Est-ce qu’il aime cette personne qu’il voit ?
À ce moment-là il prend conscience que l’image dans le miroir est indépendante de celui qui dit « est-ce que j’aime cette image ? ». Cette image le fascine, en bien ou en mal. Elle me représente.
Dès qu’il s’est confronté aux limites du cadre du miroir, il s’affole, il prend conscience du cadre et se dit « c’est mon cadre mon repère, ma référence, ce qui est à l’intérieur et à l’extérieur du cadre, c’est ma possession », d’autant plus si le cadre est doré. Il se chargera d’embellir son environnement et ne lâchera jamais rien, il accumulera des objets poussiéreux, des livres dépassés mais ne lâchera pas ; il va alors vouloir aller plus loin que le miroir et agrandir cet espace, mais dès qu’il s’échappe de devant le miroir, il disparaît, ça génère un stress il ne faut qu’il bouge donc il se fige, il fige tout son environnement autour de lui, c’est comme une mort pour lui ; bien que ça ne soit que le reflet de lui-même (une illusion) il y croit, et s’identifie à cette image là ; Dès qu’il commence à constater qu’il est dans un repère enfermé (le cadre du miroir), il va essayer de remplir tout le miroir, il va se confronter à ce reflet en se disant « mais comment je fais pour sortir de cette boite » et en même temps il n’a pas envie d’en sortir sinon il perd son image et sa sécurité avec, ça ne lui convient pas, il ne peut pas lâcher cette vision de lui-même sinon il lâche son cadre et sa manière de ce regarder de cette façon-là. S’il sort du cadre de se voir, n’y a plus personne, alors il est effrayé car son image n’est plus reflétée, il perd pied, il perd ses repères ; donc il va entretenir et vouloir conserver cette image de lui qui lui semble rassurante (il ne connaît pas d’autre image) et le pli de fonctionnement c’est cette manière de s’observer continuellement de la même manière dans un cadre précis et enfermant.
S’il ose se déplacer et laisser le cadre vide, le lâcher-prise intervient, il accepte de se dessaisir ; Donc il peut se demander « mais qui était ce reflet dans le miroir ? Quelle est la réalité de ce reflet, et qui se pose la question, et qui est attaché à cette image, et qui vit derrière ces yeux ?
Là s’installe une vision éclairante.
On peut quand même examiner le fait que souvent nous nous intéressons plus à l’image qu’il y a dans le miroir, qui nous obsède, qui nous fascine, qu’à la manière de s’observer. Arrêter de s’observer signifierait qu’on perde cette image, et survient alors la peur de perdre de la perdre, il ne veut absolument pas perdre l’identification à son image. L’identification est psychique et souvent irrationnelle. Les critères d’observation sont conditionnés par notre vécu et notre culture. On ne regarde pas de façon détachée, il n’y a là aucun détachement. En observant le pli de fonctionnement, on peut ainsi voir ce en quoi on s’enferme.
On ne peut pas régler un processus mental par le mental lui-même. |
C’est le développement du sens de l’ego
Ce processus infernal utile un système d’engrenage mental pour tout récupérer et par-dessus tout justifier sa récupération pour au final avoir le dernier mot. C’est une tendance de développement exponentielle d’un égocentrisme surdimensionné. Une forme de réalité qui est juste un reflet, mais auquel je m’identifie. Plus les mécanismes s’affinent et se cisèlent, plus nous devenons malins. Nous commençons à apprendre des choses sur nous-mêmes, et nous nous en servons en pensant nous améliorer. On ne s’aperçoit pas que nous sommes en train de renforcer l’ego, nous manquons de vigilance. C’est un jeu où les dés sont pipés, et où on joue avec sérieux. L’arrangement est un moyen de se substituer à l’effort de cette vigilance.
On complexifie, on voit des contraintes partout, et ça nous arrange car ainsi nous justifions dédaigneusement ou nonchalamment, et on écarte l’effort, la persévérance et la vigilance. Nous nous servons des connaissances pour éviter de faire face à la difficulté. Nous développons une forme de fuite et de maintien en l’état. Nous pouvons faire de même par une exagération, une excessivité dans une recherche de perfection, avec une insatisfaction constante. Tout doit être lisse, impeccable. On ne fait que chercher, on se met en surabondance. Ça nous maintient aussi là-dedans puisqu’on est toujours en train d’observer les détails. Nous nous servons de la connaissance pour être auto-suffisant et ne jamais lâcher prise, nous sommes dans une accumulation de connaissances avec une amplification du mental et de ses résistances. C’est dur.
Ce sont des écueils que l’on rencontre sur un chemin dans une voie spirituelle. Forcément.
Dans ces cas, ces roues tournent dans le vide et nous ne sortons pas du cadre dans lequel nous nous sommes enfermés. Comme nous ignorons comment faire pour en sortir, dans un nouvel essai, nous sublimons le cadre par une décoration, une peinture, par un scintillement… nous redorons le cadre marron avec de la peinture dorée et ont créé un cadre lumineux en pensant que nous voyons la lumière en affirmant « je vois la lumière ».
C’est la fausse lumière
Arrogance, prétention, suffisance, orgueil de croire que l’on voit la lumière car si je vois la lumière je ne suis pas la lumière. Je ne peux pas sortir de cette image, elle me fascine. Là il est utile de réaliser que sa construction est dépendante de son affectif. La comparaison est toujours faite à partir du connu.
Mais finalement, j’apprécie d’être figée dans ce miroir ou rien ne bouge, en sécurité, comme un tableau accroché dans un musée. Protégé par le gardien qui est moi-même et qui m’observe. Figé dans ce cadre de fonctionnement que je valide. C’est l’observateur qui s’observe lui-même. Tout compte fait je ne souhaite pas qu’on vienne décrocher ce cadre dans lequel je justifie mon existence.
Un peu d’humour, c’est le seul moyen d’en sortir :
Le comble, c’est que le visiteur du musée ne regarde pas le tableau, tout le monde nous ignore, ils regardent les autres passants, ils se regardent eux-mêmes en décrivant le tableau.
Habituellement nous nous observons et jugeons notre façon de faire ou notre façon d’être. Là, il est question d’être spectateur, et donc de voir avec détachement (sans identification à nos nœuds égotiques). Voir nos identifications nous montre que ce qui voit en nous, ce n’est pas l’ego, c’est l’Être, notre partie lumineuse.
La prise de recul en tant que spectateur donne une vision verticale de la situation et toujours dans un sens lumineux. La sortie n’est pas d’aller fouiller dans les tréfonds des abysses de l’inconscient, mais de poser une vision de spectateur. Celui qui est spectateur de cette scène ne peut être que l’Être car il est lui-même détaché du corps qu’il voit et du jeu qui lui dit que ce corps lui appartient.
Nous ne changeons pas ni le miroir, ni le corps, mais juste notre vision. Les arcanes deviennent là très intéressants à étudier, car ils sont les multiples facettes de ces reflets. Ils sont comme le bouclier de Persée : c’est à travers le bouclier qu’on peut examiner la gorgone ou le dragon à plusieurs têtes.